Jean Claude Miffre et Olivier Jeanne m’ont fait part de leur intention de créer un forum, un lieu d’échanges entre les habitants de Calce.
Jean Claude m’a invité à initier le débat sur un thème qui m’est cher : celui de la démocratie participative dans un village comme Calce confronté au réchauffement climatique.
C’est un exercice périlleux que d’être le premier ; mais, bon…..
Je prends, donc, le risque (relatif) de saisir l’occasion qui m’est offerte en inaugurant l’exercice et vous invite à en animer la suite par vos réactions et contributions. Ce forum pourrait, alors, devenir plus qu’un lieu, un lien et initier une dynamique entre tous les habitants de Calce.
En souhaitant que ce forum et ses souhaitables débats renforcent le réseau des relations existant au sein du village et contribuent dans le court et moyen terme à l’amélioration de la vie dans le village par les temps qui s’annoncent.
Avec toute mes amitiés.
Bernard BRUNET
La démocratie participative
comme mode d’adaptation du territoire au réchauffement climatique
L’objet de la politique est d’organiser la vie en société dans la durée et dans n’importe quelles circonstances.
La crise du COVID-19 nous montre que l’anticipation, la solidarité sous toutes ses formes (locales, nationales, européennes, internationales), l’intelligence collective sont les clés d’une politique efficace.
Le propos de cette contribution est de participer à la réflexion sur la place du local, des territoires, et plus particulièrement de petites communes comme Calce , pour faire face aux défis qui s’imposent à nous du fait du réchauffement climatique.
Cette contribution souhaite modestement ouvrir le débat sur les conditions de l’ adaptation de notre petite collectivité aux inéluctables changements et de mettre en évidence le nécessaire recours local au débat démocratique et à l’échange des idées .
Calce, territoire rural :
La vie rurale dans nos territoires s’est longtemps déroulée dans des environnements stables.
Ainsi, le village de Calce a longtemps connu une composition sociologique homogène autour de la viticulture. L’organisation et la gestion de la commune ont été représentatives de cette stabilité et de cette homogénéité.
Puis de nouveaux habitants sont arrivés et la composition sociologique de la commune s’est diversifiée ; les activités économiques des habitants du village ont suivi cette diversification. Si l’activité agricole constitue sans doute toujours l’activité principale exercée au village, elle s’est diversifiée dans ses structures (de la cave coopérative à l’exploitation individuelle), ses productions (de la vigne à l’élevage de moutons et poules, de la vigne, à l’olive et au safran…) ; surtout, la majorité de ses habitants exercent leur profession en dehors de la commune dans le bassin d’emploi du Roussillon ou ailleurs par internet.
La gestion politique de la commune a suivi cette évolution et a été exercée de plus en plus par des personnes représentant la diversité sociologique du village.
Réalité sociologique et gestion politique du village :
Tout au long de ces périodes, la gestion du village a été présentée et conçue comme « a-politique », c’est à dire dépourvue de liens avec la « politique » nationale (droite-gauche). Dans l’histoire récente de Calce, d’ailleurs (sauf à une exception), il n’y a pas eu de véritable compétition électorale.
Au sein du village, donc, les élus ont été (sont) représentatifs de la diversité de la composition sociologique du village, de ses réseaux, des intérêts de diverse nature le traversant. Ce qui a permis un certain équilibre entre la composition sociologique du village et sa gestion politico-administrative.
Durant toute cette période, le plus souvent, le propos des équipes élues n’a pas été d’avoir un programme à proposer aux électeurs mais de soumettre à l’onction des suffrages une équipe, des personnes de bonne volonté illustrant toutes les composantes de la population .
Il en est résulté l’absence de propos programmatique et des projets décidés «en marchant ».
Élection et stabilité environnementale:
Dans ce contexte, l’élection n’a, donc, pas vocation à légitimer un programme mais à conférer la confiance de la collectivité à une équipe à même de représenter toutes les variétés de la population et de faire face aux problèmes posés par la gestion municipale.
Ce constat ne pose guère de difficultés dans un environnement stable. Ceci d’autant plus que Calce a bénéficié à un moment de son histoire des revenus financiers exceptionnels provenant de l’usine de traitement des déchets.
Calce est, donc, devenu un village riche, dépourvu de problèmes spécifiques, surtout préoccupé par le bien vivre ensemble. Calce a, donc, eu des problèmes de « riche » traités avec des moyens financiers considérables rapportés au nombre d’habitants.
Le « bien vivre ensemble à Calce» est aujourd’hui ce qui sert de devise fédérative et programmatique. Constat sans critique de l’adaptation d’un système d’organisation politique et sociale en période de stabilité. .
La menace du réchauffement climatique et le nécessaire retour du politique:
Mais aujourd’hui surviennent des événements extérieurs qui constituent des menaces et qui auront des impacts majeurs sur la vie au village.
Le réchauffement climatique est un fait qui se constate tous les jours et qui marque de son empreinte la nature qui nous entoure. Notre système économique fondé sur l’exploitation des richesses et sur la circulation des marchandises et des hommes a des conséquences terribles sur le climat. Nul ne peut contester aujourd’hui les analyses et alertes des scientifiques sur la réalité et les conséquences de ce réchauffement .
Différents scénarios existent quant aux conséquences du réchauffement en matière d’organisation sociale, de travail…. Le propos ici n’est pas de les développer, mais de mettre en évidence qu’à coup sûr notre génération sera la première à être confrontée à la nécessité de s’adapter (ou pas) à ces changements. Et s’agira t’il d’évolutions pouvant être compensées par des avancées technologiques? De changements auxquels nos sociétés pourront apporter des réponses organisées? D’effondrement de tout ce qui caractérise notre société actuelle (relations de travail, protection sociale, transports, énergie, ….) ?
Nul ne sait aujourd’hui répondre à ces questions.
La nécessité de l’adaptation, de l’anticipation , du changement :
Notre génération sera, donc, la première à être confrontée à cette situation et à la nécessité de prendre les décisions d’adaptation. Notre génération devra réaliser cette adaptation non pour elle, mais pour celles suivantes : nos enfants et petits enfants.
L’émergence du local comme lieu d’adaptation :
Aujourd’hui, il apparaît comme une évidence que le local est devenu le lieu où peuvent le plus facilement être recherchés les moyens collectifs de faire face à l’avenir incertain. Le local est le premier niveau d’organisation sociale à partir duquel peuvent émerger des stratégies pour l’avenir, des comportements individuels et collectifs solidaires adaptés aux défis de demain. Il n’est pas sans intérêt d’observer que les moyens financiers dont dispose Calce grâce à l’usine d’incinération constituent un levier pour l’action .
Calce possède, donc, en tant que petite commune possédant des moyens financiers substantiels, des atouts dans cette nécessité d’adaptation.
Mais le réchauffement climatique ne nous réserve pas des contraintes plaisantes. Notre mode de vie, nos conditions d’existence (travail, transport, santé, énergie, services publics….) au sein d’un village situé à 18 km du bassin d’emploi de Perpignan peuvent être bouleversés. Et que deviendra la nature environnante si notre climat continue à se réchauffer comme les différentes analyses du GIEC le disent ? Que deviendra le territoire ? Que deviendront les exploitations s’y trouvant? Comment les habitants travailleront et vivront au village ? Comment anticiper, prévoir ?
Est il exagéré de dire que les constatations et analyses des scientifiques nous projettent dans un scénario porteur à moyen terme d’incertitudes ? Est il exagéré de dire que l’impact sur la vie des habitants de Calce (comme celle des autres humains) sera considérable ? De sorte que les vraies mesures d’anticipation et d’adaptation au changement ne seront pas de simples mesurettes mais comporteront peut être en elles les ingrédients de changements radicaux.
Mais autour de quel projet fédérateur, de quelle analyse collective la population de Calce se réunira t’elle ?
La nécessité du débat et de relations plus solidaires:
Ces changements potentiellement radicaux ne pourront être anticipés, pensés, adoptés sans que ne soit au préalable admise la nécessaire participation du plus grand nombre à la construction d’ un projet commun. Les formidables enjeux du réchauffement climatique, la formidable responsabilité qui est celle de notre génération vis à vis des suivantes, les moyens financiers réels dont dispose la commune, imposent l’adoption d’une relation nouvelle des habitants et de la politique locale.
Il s’agit d’un nouveau mode de relations sociales qui permet l’émergence d’initiatives et d’analyses partagées en vue de la prise de décisions consensuelles.
L’enjeu est de mettre en place un « process » favorisant l’échange des points de vue de tous les habitants autour de la question de l’organisation de la vie au village.
Des lieux de discussion autour de l’écologie, de l’art, de la culture, de l’aménagement du territoire, de l’éducation, du développement économique du village, des transports, du patrimoine favoriseraient l’émergence d’idées et de projets concrets, d’idées.
Ce process pourrait être organisé de telle sorte qu’il mette en évidence les besoins exprimés par les habitants au termes de débats et discussions argumentées et enrichies par la diversité des opinions, par des intervenants extérieurs apportant sérénité des débats, apport d’expérience.
Cette dynamique collective qui est illustrée par l’ apport de la vie associative à CALCE pourrait être confortée par des groupes de réflexion citoyenne crées par l’équipe municipale.
Cette action conjuguée permettrait, alors, de faire naturellement émerger des initiatives innovantes locales (les loisirs, les enfants, les transports, la culture, le patrimoine, les chemins…). Mais au delà , pourraient émerger des priorités dans les objectifs, des choix qualitatifs. Pourraient, en effet, être abordée la question de l’adaptation au changement dans ses différentes composantes relatives:
– à notre vision du village dans le cadre du réchauffement climatique ,
– au territoire et à son économie ,
– aux transports ,
– aux services communs ,
– au développement du village ,
– au patrimoine ,
– à l’éducation des enfants ,
– à la culture……
Au terme de ces discussions auxquelles ils participeraient, les élus pourraient prendre ensuite de la manière la plus éclairée qui soit leurs choix politiques, budgétaires et financiers engageant en profondeur notre avenir commun.
C’est parce que l’avenir est incertain que je crois à l’intelligence collective mise au service de tous et de nos élus. Cela s’appelle la démocratie participative.
Conclusion :
Ce n’est pas rien que d’écrire au temps du COVID-19. Le collectif est présent partout au temps de l’épidémie ; le collectif peut être à la fois la menace (la contagion par les autres ) et la solution (les soins et l’antivirus grâce aux autres).
Je retiens surtout que notre proximité au sein de la petite collectivité qu’est Calce crée les conditions d’une réelle solidarité face aux changements.
L’avenir sera ce que nous aurons l’intelligence et la volonté d’en faire .